Limousheels - Romancière
Sortie électorale
Sylvie Lachan
Épisode 8
Avril 2017.
Ce printemps rime avec changement et maintenant.
L’élection présidentielle, cette force et cette faiblesse de nos démocraties, suscite bien des réactions : des rêves, des convoitises, des attentes, des craintes, des opportunités, parfois de l’indifférence et, pour Sylvie Lachan, la préfète de la Corrèze, du travail et de l’inquiétude.
Mais d’où peut venir le danger ? De pilotes aux activités mystérieuses ? Des truands habituels, mais insaisissables ? De fonctionnaires désespérés ou pervers ? De directeurs de l’administration défaillants, peut-être coupables ? De survivalistes à tendance anarchiste ? D’inconnus prêts à tout ? De puissances étrangères ? De disparus et de cadavres ?
Et d’où viendra le salut ? Peut-être des airs, car, pour Sylvie et pour sauver la patrie, le changement, ce n’est pas maintenant !
Extraits
Sortie mémorielle, chapitre 6
— Mais merde ! C’est pas vrai !
Sylvie se demanda si elle avait parlé à voix haute. Face à elle, le sourire charmeur du serpent sournois. Elle serra les dents :
— Mais qu’est-ce qu’il fout là, ce con ?
Cette fois, avec la certitude d’avoir maintenu ses pensées dans son cerveau.
— Madame la préfète, quelle merveilleuse surprise de vous croiser ici !
— Les joies des courses… grommela-t-elle.
Elle montra son caddie à moitié rempli avec un regard dépité sur les mains vides du parasite, aussi collant qu’un buisson de ronces.
— Vous savez, madame la préfète, je suis totalement en phase avec tout ce que vous avez dit pendant la réunion. Totalement ! Il faut agir !
— Eh oui… Y a qu’à… Faut qu’on… Et il y a les vrais aussi…
— Pardon ?
Elle n’expliqua pas, se força à sourire, attrapa trois paquets de sucre et fonça vers le rayon voisin.
Sortie mémorielle, chapitre 6
— Mais quel con ! pesta Sylvie intérieurement. Mais c’est pas possible d’être aussi con ! Con à bouffer du foin par la racine ! Con à essayer de traire un taureau !
Sortie mémorielle, chapitre 9
— Bon allez, on s’envoie en l’air !
— Au lit ou en Twin ?
— Bah en Twin ! Lui, au moins, je suis sûre que ses réservoirs sont pas à sec !
Sortie mémorielle, chapitre 15
Mathias établit le Twin Otter en vent arrière, vérifia tous les paramètres, puis l’installa en finale. L’impact sur la surface légèrement irisée ne déclencha aucune moquerie de la part d’Éva. L’hydravion glissa vers le ponton et la bouée.
Mathias coupa les moteurs, se détacha et descendit sur le flotteur. Ses muscles et sa vessie protestèrent. Il crocheta les câbles, mais, ne pouvant plus se retenir, se tourna et urina dans l’eau claire du lac.
— La grande classe ! se moqua Éva. Tu me fais rêver !
Mathias lâcha un pet. Éva éclata de rire. Le Twin Otter bougea. Mathias perdit l’équilibre. En l’air, la braguette toujours ouverte, son jet décrivant une courbe presque esthétique, il comprit qu’elle avait mis en route le treuil.
Le temps se suspendit. Trop brièvement.
— Putain de…
Sa colère et le rire cristallin d’Éva se noyèrent dans le choc aquatique, aussi imprévu que froid.
Il but la tasse, émergea et toussa.
— Putain de bordel de merde !
Sortie mémorielle, chapitre 16
Un lieutenant-colonel portant l’étoile de pilote sur son uniforme grimpa sur le bar, avec moins de souplesse que deux décennies plus tôt. Il tapa du pied sur le bois :
— Vos gueules là-dedans !!!
Son hurlement ne stoppa rien. Au contraire, des huées lui répondirent. Sylvie ne put retenir un sourire complice, Amandine fronça les sourcils, Ina s’intéressa et, comme tous les autres, Luiz attrapa un verre plein. Le lieutenant-colonel s’amusa et patienta. Jusqu’à un nouveau grondement :
— Vos gueules là-dedans !!!
Son public conquis se tut. Le personnel de la brasserie se figea. Le pilote rugit :
— Le verre dans la main gauche !
Des dizaines de gorges répercutèrent son cri :
— Le verre dans la main gauche !
Une escadrille de verres instables se dressa, du liquide alcoolisé déborda et s’écrasa au sol.
— La main droite sur le cœur ! clama le pilote.
— La main droite sur le cœur ! répéta l’assemblée.
Mouvement général et solennel.
Sortie mémorielle, chapitre 18
Sylvie s’arrêta d’un coup et montra la plaquette près d’une porte ouverte :
Gestionnaire RH
Elle toqua et entra. Une femme, l’air désagréable, les cheveux gris, de grosses lunettes, l’examina des pieds à la tête, sans un mot, sans un mouvement.
— Bonjour madame, Sylvie Lachan, préfète de la Corrèze, je souhaiterais consulter votre registre de santé et de sécurité au travail, s’il vous plaît.
La femme se leva précipitamment, mais hésita :
— Mais… Euhhhh… Je ne suis pas sûre d’avoir le droit…
— Prenez le gauche…
— Euhhhh… Pardon ?
Sylvie se tourna vers Amandine :
— Elle marche jamais celle-là, je comprends pas…
Amandine ne put se retenir et rit entre ses lèvres serrées. Sylvie montra son téléphone :
— Qui préférez-vous que j’appelle pour vous motiver ? Votre chef, votre directeur, le ministère, le ministre ? Généralement, dans ces exercices de patience, plus c’est long, moins c’est bon…
— Euhhhh… Je ne sais pas…
Un regard perdu.
— C’est pas possible… grinça Sylvie entre ses dents.
Sortie mémorielle, chapitre 18
— Mon colonel fait des pointes sur du verre pilé avec une grenade dégoupillée dans chaque main et un balai dans l’arrière-train ! Il stresse à mort, il a peur de se planter. Entre une préfète intouchable qui défonce tout, la pression des élections, un pervers criminel et une administration pourrie…
Copyright © Limousheels, tous droits réservés - Mentions légales et politique de confidentialité - Contact